Actualités Congrès : Sommeil & Epilepsie

Le Dr Ana-Zenovia GALES, Neurologue à l'hôpital La Pitié-Salpêtrière (AP-HP) revient sur sa sélection de l'actualité dans le domaine de l'épilepsie et du sommeil

Pour l’édition 2019 du Congrès du Sommeil, le Dr Ana-Zenovia GALES, Neurologue au Service de pathologies du sommeil de l’hôpital La Pitié-Salpêtrière (AP-HP), est revenue sur l’actualité 2019 dans le domaine des épilepsies et du sommeil.

Focus vidéo de l’actualité

EPILEPSIE ET SOMMEIL 

L’épilepsie et le sommeil, domaines si proches de la médecine, ont connu une année 2019 riche en publications.

Le choix des articles méritant leur place dans la session « Actualités sommeil-épilepsie », a donc été difficile, car j’ai eu à choisir parmi des dizaines de publications des meilleures équipes au monde à ce jour, dans le domaine de l’épilepsie et du sommeil.

Le sujet de ma présentation est le SUDEP, la mort subite et inexpliquée en épilepsie, lorsque le décès est causé par un problème respiratoire ou un arrêt cardiaque après une crise. Plus précisément, j’aborderai le lien entre le dysfonctionnement respiratoire péri ou post-critique et le risque de mort subite.

L’équipe du Département de Neurologie, de l’Université “Texas Health Science Center at Houston”, a publié cette année deux travaux basés sur des études prospectives et multicentriques, réalisées entre septembre 2011 et avril 2018, ayant comme objectif d’établir le lien entre le SUDEP et l’apnée centrale (concomitante à la crise ou post critique) d’une part et la sévérité de la crise, l’importance de la suppression du tracé en post-ictal et la désaturation en oxygène per et post critique, d’autre part.

Le premier de ces articles, intitulé «Incidence, Recurrence, and Risk Factors for Peri-ictal Central Apnea and Sudden Unexpected Death in Epilepsy», publié dans Frontiers in Neurology, en mars 2019,  est une étude prospective et multicentrique  réalisée sur 218 patients, présentant une épilepsie pharmacorésistante, traités par au moins 2 antiépileptiques. Les patients, parmi lesquels 182 présentaient une épilepsie focale et 33 une épilepsie généralisée, ont bénéficié d’un enregistrement vidéo électroencéphalographique accompagné d’un enregistrement respiratoire (SaO2, ECG, mouvements thoraciques et abdominales). 558 crises ont été enregistrées, 239 crises pendant le sommeil et 318 au cours de la veille.

180 patients ont présenté une apnée centrale au cours de la crise, tous au cours d’une crise focale, et avec une nette prédominance dans les épilepsies temporales et dans celles touchant l’hémisphère gauche.

Parmi les patients ayant présenté une apnée centrale concomitante à une crise d’épilepsie, on retient le cas d’un jeune patient âgé de 36 ans, présentant une épilepsie temporale droite cryptogénique et pharmacorésistante, avec des crises à type d’aura psychiatrique et à type d’hallucinations auditives. Le patient a présenté au cours d’une crise focale temporale droite une apnée centrale prolongée de 285 secondes accompagnée d’une désaturation en oxygène. Le tracé EEG concomitant montrait une décharge rythmique temporale droite. Aucun trouble du rythme cardiaque n’a été enregistré au cours de l’épisode.

38 patients ont présenté une apnée post-ictale, dont 11 suite à une crise généralisée et 27 suite à une crise focale secondairement généralisée. Il existe une prédominance des apnées post-critiques dans les épilepsies extratemporales touchant l’hémisphère droit, et une préférence pour le sexe féminin, plus souvent atteint que le sexe masculin. 80% des patients ont présenté un aplatissement (« burst ») du tracé en post critique, concomitant ou précédant les apnées.

Parmi les patients ayant présenté une apnée centrale post-critique, on retient le cas d’un jeune patient âgé de 15 ans, présentant une épilepsie temporale antérieure droite. Le patient a présenté au cours de l’enregistrement une crise partielle secondairement généralisée, suivie de deux épisodes d’apnée centrale, de 126 et 187 secondes, suivies rapidement d’une bradycardie et d’une asystolie prolongée de 75 secondes nécessitant des manœuvres de réanimation.

Les conclusions de cette première étude, sont les suivantes :

  • – Les apnées centrales au cours de la crise sont présentes exclusivement dans les épilepsies focales et ne s’accompagnent pas d’un trouble du rythme cardiaque. Il existe une prédominance hémisphérique gauche.
  • – L’enregistrement de deux crises secondairement généralisées suivies d’une apnée centrale et d’une asystolie, font penser à une association entre les SUDEP et l’existence des apnées centrales post-ictales.

 

Cette deuxième hypothèse va alors, donner naissance à une deuxième étude, réalisée par la même équipe, « Postconvulsive central apnea as a biomarker for sudden unexpected death in epilepsy (SUDEP) » publié dans Neurology.

L’objectif de cette étude est de caractériser les apnées per critiques, et de déterminer le risque d’asystolie, donc de SUDEP dans les crises généralisées ou focales secondairement généralisées, suivies d’une apnée centrale. 87 patients ont bénéficié d’un enregistrement vidéo-électroencéphalographique accompagné d’un enregistrement respiratoire (SaO2, ECG, mouvements thoraciques et abdominales). 148 crises ont été étudiées, dont 27 généralisées, 116 focales secondairement généralisées et 3 à la suite de plusieurs crises focales. 72 crises ont été enrégistrées pendant la veille et 73 au cours du sommeil.

Des apnées concomitantes à la crise ont été détectées chez 49 (40.4%) sur 121 crises, toutes au cours des crises focales.

Les apnées post-ictales ont été présentes au cours de 31 (22.1%) sur les 140 crises enregistrées : 5 (31.2%) sur 16 patients ayant une épilepsie généralisée et 15 (24.2%) sur 62 patients ayant une épilepsie focale avec des crises secondairement généralisées. Un aplatissement du tracé a été observé chez 87% des patients. 4 crises suivies d’une apnée centrale s’accompagnent d’une élévation de la PtCO2 (15.5±3.87mmHg par rapport à 9.6± 7.2 mm Hg chez les patients sans apnées (p = 0.238). Il n’a pas été retrouvé d’association entre les apnées centrales post-ictales et le syndrome d’apnées du sommeil ou le stridor. Après régression binomiale, le sexe féminin est considéré comme un facteur prédictif indépendant pour les apnées post-ictales (p = 0.007, odds ratio 7.8, 95% confidence interval 1.7–34.8).

85% des crises se sont accompagnées d’une hypoxémie sévère, plus importante dans les crises au cours du sommeil et dans celles accompagnées d’une bradypnée.

Deux patients ont présenté un trouble du rythme cardiaque suivi d’une asystolie associés à une apnée centrale dans les suites d’une crise généralisée, les deux de sexe féminin. Dans le premier cas, la patiente présentait une épilepsie temporale droite, et dans le deuxième cas une épilepsie généralisée idiopathique.

Les conclusions de cette étude sont que les apnées centrales, présentes dans la phase post-critique des crises généralisées, représentent un biomarqueur de SUDEP, car elles s’associent à la présence d’un trouble du rythme cardiaque et à une asystolie. Les apnées centrales présentes au cours de la crise d’épilepsie sont spécifiques pour les crises focales, ne sont pas prédictives d’une apnée post-critique, ne s’accompagnent pas d’un trouble du rythme cardiaque et en conséquence ne seront pas associées au SUDEP.

 

Bibliographie :

  1. Incidence, Recurrence, and Risk Factors for Peri-ictal Central Apnea and Sudden Unexpected Death in Epilepsy, Vilella Land all, Front Neurol.2019 Mar 1;10:166.

2. Postconvulsive central apnea as a biomarker for sudden unexpected death in epilepsy (SUDEP), Vilella Land all, Neurology. 2019 Jan 15;92(3):e171-e182.