Actualités Parasomnies au Congrès du Sommeil 2018

Quelles sont les actualités 2018 dans le domaine des parasomnies ?

Le Congrès du Sommeil propose dans son programme une session consacrée aux actualités scientifiques de l’année dans plusieurs disciplines impliquées dans la discipline du Sommeil. Cette année, le Dr Pauline DODET, neurologue au service des pathologies du sommeil – Centre de référence : Narcolepsie, hypersomnie et syndrome de Kleine-Levin – au sein du groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, intervenait dans le cadre des actualités dans les parasomnies.
Pour ceux qui n’ont pu assisté à la session, pour ceux qui n’ont pas pu participer au Congrès et pour tous ceux qui s’intéressent à la médecine du sommeil, le Dr DODET partage ses articles incontournables de l’année !

 

In-vivo staging of pathology in REM sleep behaviour disorder : a multimodality imaging case-control study. Knudsen et al. Lancet neurol (Juillet 2018)

 

Introduction : Les patients avec troubles du comportement en sommeil paradoxal idiopathique (TCSPi) sont un modèle pré-symptomatique de la maladie de Parkinson idiopathique (MPI). L’objectif de cette étude est d’évaluer dans la population TCSPi s’il existe déjà une atteinte du système nerveux autonome (sympathique et parasympathique) périphérique sans atteinte du système dopaminergique. Le but est de conforter la théorie actuelle (basée sur la théorie de Braak) qui énonce que les dépôts d’alpha-synucléine débutent en périphérie et s’étendent ensuite de proche en proche selon un gradient caudo-rostral via le système autonomique jusqu’au noyau dorsal du vague, puis remonte dans le tronc cérébral via le complexe subcoeruleus/coeruleus (provoquant le TCSP) puis la substance noire où apparaît alors les symptômes de la MPI.

 

Méthode : Cette étude cas-contrôle prospective a recruté 22 patients avec TCSPi confirmés sur enregistrement du sommeil (en moyenne 6 ans d’évolution).
Les auteurs utilisent cinq types d’imageries différentes qui reflètent chacune un des stades de Braak :

Stade 1 :

  • Le Pet scan 11C donezepil reflète l’innervation cholinergique de l’intestin.
  • La scintigraphie myocardique au 123 MIBG reflète l’innervation sympathique cardiaque.

Stade 2 :

  • L’IRM cérébrale sensible à la neuromélanine mesure l’intégrité des corps cellulaires pigmentés dans le locus coeruleus.
  • Le Pet au 11C-methylreboxetine (MeNER) reflète l’innervation noradrénergqiue du locus coeruleus vers le thalamus.

Stade 3 :

  • Le Pet 18 F DOPA reflète le système dopaminergique et la capacité de stockage en dopamine.

 

Résultats :

Le groupe TCSPi avait une absorption significativement plus basse dans le petit intestin et colon que le groupe contrôle et légèrement plus basse mais de façon non significative que le groupe MPI. Il n’existait pas de corrélation avec le score clinique de constipation (score de Romes).

Plus de 80 % des sujets avec un TCSPi avaient une scintigraphie au MIBG anormale. On notait des anomalies significativement plus importantes dans le groupe TCSPi et MPI par rapport au groupe contrôle.

L’IRM cérébrale sensible à la neuromélanine qui mesure l’intégrité des corps cellulaires pigmentés dans le locus coeruleus était significativement plus altérée dans le groupe TCSPi et MPI par rapport au groupe contrôle.

Le Pet 18 F DOPA était pathologique dans 29 % des patients TCSPi. On notait une altération significativement moins marquée dans le groupe TCSPi versus MPI.

 

 

Discussion : Cela confirme donc l’hypothèse initiale à savoir que les patients TCSPi présentent des anomalies au niveau de leur système autonome et au niveau du complexe subcoeruleus/coeruleus alors que le système dopaminergique est peu atteint. Il s’agit donc d’un argument supplémentaire en faveur de la théorie de Braak au moins pour le sous-groupe MPI avec TCSP prodromal. Une des perspectives serait de pouvoir mettre en évidence des critères d’imagerie permettant de différencier au stade TCSPi les patients qui vont évoluer vers une démence à corps de lewy de ceux qui évolueront vers une maladie de parkinson idiopathique.

 

The Sleep Disorder in Anti-Iglon 5 Disease. Carles Gaig et al Current Neurology and Neuroscience Reports (Mai 2018)

 

La maladie des anti-IgLON5 est une nouvelle entité décrite en 2014 associant des troubles du sommeil caractéristiques et des symptômes neurologiques. Le tableau clinique est hétérogène : syndrome bulbaire, syndrome « PSP like », atteinte cognitive, hyperexcitabilité musculaire. Cela peut s’associer à de mouvements anormaux et des symptômes dysautonomiques. Cette maladie apparaît plutôt après 60 ans.

Le diagnostic repose sur la mise en évidence d’anticorps contre IgLON5, une protéine de surface des neurones de fonction indéterminée, dans le LCR et dans le sérum. Le HLA DRB1 1001 et le DQB 10501 rare dans la population générale, sont présents chez 80 % des patients. L’analyse anatomopathologique post-mortem met en évidence des lésions de tauopathie prédominantes dans l’hypothalamus et le tronc cérébral.

Les troubles du sommeil sont caractérisés par la combinaison (présente dans 90 % des cas) de parasomnies en sommeil paradoxal mais aussi en sommeil lent léger. Il est également rapporté des troubles respiratoires (apnées et stridor). La parasomnie de sommeil lent léger se présente par des comportements moteurs nocturnes simples (relève la tête, se tourne, tape des doigts sans objectifs précis) ou complexes (mouvements avec une finalité, dirigés vers un but) et des vocalisations simples ou complexes (murmure, grognement, moins souvent des paroles). Les patients « vivent leurs rêves » et miment des activités de la vie quotidienne (manger, boire, manipuler des objets,…) mais sans souvenir le lendemain. La vidéo polysomnographie met en évidence 1) une initiation du sommeil qui s’accompagne d’un stade indifférencié (activité irrégulière théta sans figure de sommeil) et d’une activation de l’EMG en continu, puis une architecture du N2 appauvri en complexe K et spindle et une activation EMG, 2) l’apparition d’un stade N2 normal apparaît après une longue période sans éveil s’associant à une disparition des mouvements, 3) des apnées obstructives avec un stridor.

Il s’agit donc d’une nouvelle entité clinique dont les troubles du sommeil sont prédominants et aident à suspecter ce diagnostic. L’association d’une parasomnie de sommeil lent léger à l’initiation du stade N2 et de parasomnie en sommeil paradoxal constitue une nouvelle entité de parasomnie.

 

What does the sleeping brain say ? Syntax and semantics of sleep talking in healthy subjects and in parasomnia patients. Arnulf et al ; Sleep, Nov 2017

 

Introduction : La parole est une fonction humaine complexe et les caractéristiques linguistiques de la parole du dormeur n’ont jamais été explorées. L’objectif de cette étude est donc d’analyser cette parole chez des somniloques (principalement durant des parasomnies).

 

Méthodes : Les énoncés ont été repérés au moyen d’un enregistrement en vidéo-polysomnographie. Différents paramètres ont été analysés : nombre de mots et phrases, caractéristiques des pauses, lemmatisation, syntaxe, grammaire, type de phrase (affirmative, négative, interrogative,…), première et deuxième personne, politesse et termes grossiers.

 

Résultats : Cette étude a inclu 232 somniloques (âgés entre 49,5+/-20 ans ; 41% de femme ; 129 avec un trouble du comportement en sommeil paradoxal, 87 avec des parasomnies de sommeil lent profond, 15 sujets sains et un sujet avec des apnées qui parle en sommeil léger). Ces somniloques ont produit 883 énoncés dont 59 % étaient non compréhensibles (marmonnement, soupirs, rire,…) et 3349 mots compréhensibles. Le mot le plus fréquemment prononcé était « non ». Les négations représentaient 21,4 % des phrases. Une interrogation était présente dans 26 % des épisodes de paroles. Quasiment 10% des phrases contenaient des mots blasphématoires. Les hommes parlaient plus que les femmes et utilisaient une plus grande proportion de mots grossiers.

 

Conclusion : La parole du dormeur est identique à la parole en éveil en terme de syntaxe, sémantique et da prise de parole dans une conversation. Le langage est malgré tout plus familier (mots grossiers) et utilise plus souvent la négation.