Quelques experts vous présentent en avant-première une thématique abordée lors du prochain Congrès du Sommeil à Marseille.

Pr Isabelle Arnulf

 Responsable de l’unité des pathologies du sommeil, Hôpital de la Pitié-Salpétrière Paris
 Présidente du Conseil Scientifique du Congrès du Sommeil®
 

        Le Congrès du Sommeil® est devenu le rendez-vous francophone incontournable du sommeil. Chaque année il réunit les communautés, de plus en plus variées, qui œuvrent activement pour l’amélioration de l’exercice de la médecine du sommeil. Ainsi tous les champs d’investigation en lien avec cette discipline sont abondamment représentés : neurologie, pneumologie, cardiologie, psychiatrie, ORL, médecine du travail, pédiatrie, chirurgie maxillo-faciale… La présence de ces disciplines reflète la transversalité du sommeil et renforce les projets transversaux.

Ainsi, les conférences détailleront des points aussi variés que les liens complexes entre sommeil et cancer, apnées du sommeil, cholestérol et diabète, l’orthodontie et son bénéfice sur le sommeil des enfants, comment dorment les animaux
le lien entre le vaccin grippal et la narcolepsie, l’effet sur la pression artérielle de différents types de ventilation nocturne ainsi que des réveils simulateurs d’aube.

Différents ateliers permettront d’échanger sur les pratiques de prises en charge des problèmes d’insomnie rebelle à tous les médicaments, de débattre des bases médicales du changement récent des rythmes scolaires, des cauchemars d’échec avant les examens, et de tout ce monde nocturne varié, passionné et passionnant.

LE SAOS DE L’ENFANT

 1-Dans le SAOS chez l’enfant : chercher les anomalies maxillo-faciales et ORL

Dr Julia Cohen-Levy

 Spécialiste en Orthodontie, Paris
 

         Chez l’enfant, le seuil pathologique est déterminé à partir d’une apnée par heure de sommeil. Les conséquences du SAOS non traité sont potentiellement graves chez ces jeunes patients, qui peuvent développer une dysfonction pulmonaire, un déficit neurocognitif avec retard d’apprentissage,  des troubles de l’humeur (colère, agressivité) et de l’attention, voire une hyperactivité. Une cassure de la courbe de croissance est parfois un signe tardif d’appel, alors que la somnolence est peu rapportée.

Chez la plupart des cas de SAOS pédiatrique, beaucoup plus rarement chez l’adolescent et l’adulte, le facteur premier est l’hypertrophie des tissus lymphoïdes, traitée efficacement par ablation des végétations et des amygdales. Cependant, l’étude de Guilleminault et al, reprenant les dossiers de 400 enfants SAOS après chirurgie ORL, a retrouvé une persistance troubles ventilatoires du sommeil dans 14,5% des cas. Les enfants « non répondeurs » à la chirurgie, avaient dans cette étude un hypo-développement maxillaire et/ou une rétrusion mandibulaire et un espace pharyngé étroit.

Certaines anomalies maxillo-faciales sont fréquemment associées au SAOS : l’hypodéveloppement maxillaire (s’accompagnant d’une étroitesse des fosses nasales, d’un palais ogival et d’une position basse de la langue), et d’autre part la rétrusion, l’hyperdivergence et/ou l’insuffisance de développement mandibulaire. Ces anomalies  s’accompagnent de signes faciaux (visage allongé, menton en retrait) et généralement de malocclusions dentaires. Les thérapeutiques orthopédiques de disjonction maxillaire rapide et les dispositifs fonctionnels de type activateurs ont montré leur efficacité sur le SAOS pédiatrique, en complément de l’adénoïdectomie-amygdalectomie. Elles peuvent être réalisées par les orthodontistes, quand une anomalie morphologique est associée au SAOS chez l’enfant ou l’adolescent.

Chez le jeune patient en croissance, la disjonction maxillaire rapide offre une voie de traitement intéressante. Indiquée lors d’insuffisance transversale du maxillaire, cette disjonction orthopédique de la suture maxillaire, encore fibreuse, permet de rétablir une ventilation nasale en augmentant la section des fosses nasales. Le traitement par orthèse, plus controversé dans le SAOS, permettrait de rediriger la croissance mandibulaire antérieurement, en plus de son rôle de dégagement mécanique du pharynx au cours du sommeil.

1) Cohen-Levy J, Contencin P, Couloigner V. Morphologie cranio-faciale et apnées obstructives du sommeil : rôle de l’orthopédie dento-faciale. Rev Orthop Dento Faciale 2009 ; 43:301-316
 2) Guilleminault C, Quo S, Huynh NT, Li K. Orthodontic expansion treatment and adenotonsillectomy in the treatment of obstructive sleep apnea in prepubertal children. Sleep 2008; 31: 953-7.
 3) Villa MP, Bernkopf E, Pagani J, Broia V, Montesano M, Ronchetti R. Randomized controlled study of an oral jaw-positioning appliance for the treatment of obstructive sleep apnea in children with malocclusion. Am J Respir Crit Care Med 2002; 165: 123-7.
4) Villa MP, Malagola C, Pagani J, Montesano M, Rizzoli A, Guilleminault C, Ronchetti R. Rapid maxillary expansion in children with obstructive sleep apnea syndrome: 12-month follow-up. Sleep Med 2007; 8: 128-34.
 5) Seailles T, Couloigner V, Cohen-Lévy J. Savoir dépister le Syndrome d’Apnées Obstructives du Sommeil (SAOS) de l’enfant. Rev Orthop Dento Faciale 2009 ;43:261-277.
 
 

2- Alerte ! : L’apnée du sommeil de l’enfant. La nécessité de la prise en charge personnalisée et multidisciplinaire de l’apnée du sommeil chez l’enfant

 Dr Patricia Franco,

neuropédiatre, spécialiste du sommeil de l’enfant
 

Dr Marie-Josèphe Challamel,

pédiatre,  spécialiste du sommel de l’enfant

Hôpital Femme Mère Enfant et INSERM U1028, Université de Lyon1, Lyon

 

       Deux à 4 % des enfants présentent des troubles respiratoires nocturnes caractérisés par une obstruction intermittente partielle ou complète des voies aériennes supérieures qui perturbe le déroulement normal du sommeil. L’obésité, la prématurité, les infections des voies aériennes supérieures, l’asthme, l’hérédité, les affections allergiques, les maladies neuro-musculaires et les anomalies maxillo-faciales sont des facteurs de risque. Le signe d’appel est le ronflement pendant le sommeil mais d’autres symptômes sont souvent présents comme une mauvaise qualité de sommeil, une énurésie, une fatigue au réveil, des troubles attentionnels diurnes… Les conséquences de ces troubles respiratoires ne sont pas anodines : cassure de la courbe staturo-pondérale, troubles des apprentissages, du comportement comme l’hyperactivité ou la somnolence.

La première cause des troubles respiratoires nocturnes est l’hypertrophie des amygdales et des végétations. Le diagnostic nécessite  la réalisation d’une polysomnographie mais cet examen est difficilement accessible (longue liste d’attente dans les rares laboratoires de sommeil spécialisés pour l’enfant). Des techniques alternatives simplifiées, plus économiques sont nécessaires. Bien que l’amygdalectomie (le plus souvent couplée à une adénoïdectomie) soit le traitement de référence, elle n’apporterait la guérison que dans 25% des patients. Les facteurs de risque de persistance ou de récidive des symptômes sont l’âge, l’obésité, la sévérité des troubles. La prise en charge doit être personnalisée, multidisciplinaire (ORL, orthodontie, orthophonie, rééducation musculaire faciale, chirurgie maxillo-faciale) et à long terme.

 

 3- L’adéno-amygdalectomie de l’enfant : une solution pour tous ?  Nécessité d’une bonne évaluation initiale pour apprécier l’intérêt de l’adéno-amygdalectomie

 Dr David Gozal

Département de Pédiatrie, Hôpital pour les enfants Comer, Université de Chicago, Chicago, USA
 

         L’étiologie du ronflement et du syndrome d’apnées obstructives du sommeil (SAOS) est complexe et multifactorielle, et pourtant, les stratégies thérapeutiques actuelles sont restées plutôt simple, unidimensionnelle et normative même si leur efficacité reste incertaine. En 2002 et plus récemment en 2012, un sous-comité sur le SAOS chez les enfants, suite à un examen critique des milliers d’articles publiés entre 1966 et 2012, a établi des paramètres de pratique dans le diagnostic et la gestion des SAOS pédiatrique pour l’Académie Américaine de Pédiatrie (AAP)1. Bien qu’il y ait un débat constant sur ​​la pratique de la polysomnographie dans le diagnostic du SAOS, l’une des principales conclusions était de recommander une adéno-amygdalectomie (AT) en tant que traitement de première ligne du SAS pédiatrique. Bien qu’actuellement il y ait peu de controverse sur l’AT comme stratégie initiale pour la gestion du SAS pédiatrique, il y a également un ensemble de preuve montrant que l’AT n’est pas uniformément curative chez tous les enfants atteints d’un SAOS. En outre, la chirurgie des voies respiratoires supérieures chez l’enfant ne va pas sans un certain degré de risque.

À la lumière de ces notions, les cliniciens ont besoin pour commencer d’examiner les recommandations actuelles, et d’identifier les patients susceptibles de bénéficier d’une prise en charge plus individualisée. Cela est d’autant plus pressant dans les populations pédiatriques spéciales, dans lesquelles le risque de troubles respiratoires du sommeil post-Al est assez élevé. En conséquence, un examen critique des résultats de l’AT doit être effectué, y compris l’évaluation du dispositif spécifique et des complications post-opératoires, avec une analyse des données actuelles sur le succès de l’AT dans le traitement du SAOS pédiatrique menant à la formulation de lignes directrices opérationnelles. En outre, une meilleure compréhension de certains facteurs de la prolifération supérieure de tissu lymphadénoïde et de la croissance doit être intégrée pour évaluer de manière critique les options thérapeutiques non chirurgicales de remplacement, et les orientations futures potentielles.

 

4- L’adéno-amygdalectomie de l’enfant : une solution pour tous ?  L’adenoamygdalectommie : une solution pas toujours efficace à long terme

 Dr Pierre-Jean Monteyrol

Médecin chirurgien de la face et du cou,  Oto-Rhino-Laryngologie et chirurgie cervico-faciale, Bordeaux

« L’amygdalectomie (le plus souvent couplée à une adénoïdectomie) est le traitement de référence de l’obstruction des voies aériennes supérieures (VAS) de l’enfant durant le sommeil. Les troubles respiratoires du sommeil  secondaires à l’obstruction des VAS représentent 2/3 des indications d’amygdalectomie. (50.000 gestes par an en France).Les enfants concernés ont moins de 5 ans le plus souvent. Il est recommandé d’apprécier l’implication de l’hypertrophie amygdalienne dans la survenue des troubles respiratoires par l’examen clinique : volume amygdalien, morphologie crânio-faciale et des VAS (niveau de preuve (NP) élevé ». (Recommandations SFORL 2006)

 

Ce geste chirurgical thérapeutique pose un triple problème :

            – celui du calcul des événements respiratoires pré et post opératoires (différents de l’adulte),soumis aux aléas : lecteur dépendant et techniques d’enregistrement (présence d’un capnographe, polygraphie, polysomnographie)

            – celui de la population étudiée incluant ou non les anomalies majeures dento-squelettiques et /ou le surpoids-obésité

            –  celui du  suivi post opératoire *immédiat chez l’enfant à risque : âge inférieur à 3 ans, prématurité, anomalies cranio-faciales importantes y compris les mucopolysaccharidoses et la trisomie 21

                                                                   *médiat et tardif qui met le doigt sur le problème de récidive du SAOS et donc de l’échec de la chirurgie à court, moyen ou long terme

Il n’en est pas moins vrai que le résultat constaté à l’âge adulte de la respiration buccale non prise en charge dès le plus jeune âge est caractéristique : face longue,  langue basse et résistance respiratoire nocturne accrue (faciès adénoïdien ou  « long face syndrom »)

Il existe quatre méta analyses aux taux de réussite discordants : Scott E. Brietzke (2006) 82,9%, Michael Friedman (2009) 66,3%, Costa DJ (2009), Gozal D. (2007) 85%

Trois controverses (échec dans le temps) sur ces résultats après 1 an C.Guilleminault (2007 et 2013), Bhattacharjee et al (2010) 27%

Une étude en cours CHAT (Childhood Adenotonsillectomy Trial) met le doigt sur les facteurs péjoratifs de la chirurgie (ethnie, obésité, score RDI-index d’apnées-hypopnées)

L’heure est très certainement à la médecine personnalisée concernant l’indication chirurgicale d’adenoamygdalectommie car rentrent en jeu les facteurs génétiques, épigénétiques et humoraux (« syndrome inflammatoire de bas grade » décrit par David Gozal)

En conclusion, l’adenoamygdalectommie est le geste de référence du SAOS de l’enfant. Il  aura pour effets de baisser les résistances respiratoires, d’harmoniser la croissance faciale en favorisant la respiration nasale, d’améliorer les troubles comportementaux et cognitifs s’ils sont présents. Se pose le problème du suivi à moyen et long terme sur la possibilité de récidive du SAOS dont le facteur péjoratif principal est représenté par  l’obésité.

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