La loi Jardé et son application en pratique

La publication de la loi relative aux recherches impliquant la personne humaine, communément nommée Loi Jardé, a eu pour conséquence de nouvelles procédures de soumissions réglementaires. Le Dr Elisatbeth Frija-Orvoën – membre du CPP Ile de France 1, CNRIPH – présente ici les nouveautés induites par la promulgation de cette loi .

 

La loi Jardé et son application en pratique

 

Avec la publication le 16 novembre 2016 du décret d’application de la Loi Jardé votée en mars 2012 (décret 2016-1537), celle-ci s’applique désormais dans son intégralité. Quels en sont les points importants ?

 

Une modification dans la définition des recherches

Dorénavant, les CPP sont consultés pour tout type de dossier, interventionnel et non interventionnel, du moment que le projet porte sur une recherche impliquant la personne humaine. Cette définition a donné lieu à des interprétations très diverses et le décret modificatif de mai 2017 est venu préciser dans son article 2 le cadre des recherches à soumettre à un CPP.

Sont considérées comme recherche impliquant la personne humaine les recherches « organisées et pratiquées sur des personnes volontaires saines ou malades qui visent à évaluer les mécanismes de fonctionnement de l’organisme humain normal ou pathologique, l’efficacité et la sécurité de réalisation d’actes ou de l’utilisation ou de l’administration de produits dans un but de diagnostic, de traitement ou de prévention d’états pathologiques » (décret 2017-884, JO du 10 mai 2017)

Ce décret précise aussi quelles sont les recherches qui, bien que s’adressant à des personnes, n’entrent pas dans la cadre de la loi Jardé.

C’est aussi avec ce décret qu’est précisé le cas de figure très fréquent des recherches ne donnant lieu qu’à des questionnaires et entretiens pour lesquelles le dossier de demande sera simplifié. Un arrêté (non publié à ce jour) doit définir le contenu du résumé du protocole à soumettre au CPP.

 

Quel cadre pour les recherches sur données ?

Une autre nouveauté est la création du CEREES ou comité d’expertise pour les recherches, les études et les évaluations dans le domaine de la santé, qui aura pour rôle de donner un avis pour les recherches sur données comme les études rétrospectives sur dossiers archivés. Le CEREES est en lien avec l’INDS, institut national des données de santé auquel devront être envoyés les dossiers concernés, l’INDS se chargeant de faire l’intermédiaire avec le CEREES.

 

La classification des recherches sur la personne humaine, base de la demande d’avis auprès des CPP

Les recherches impliquant la personne humaine et relevant de la loi Jardé sont classées en 3 catégories en fonction du risque encouru.

La catégorie 1 concerne les recherches à risque et impose un avis du CPP et une autorisation de l’ANSM.

La catégorie 2 concerne les recherches à risques et contraintes minimes (hors médicament) et ne demande que l’avis du CPP.

La catégorie 3 qui correspond aux recherches autrefois appelées observationnelles et, désormais, appelées non interventionnelles requiert un avis CPP. On y trouve des études prospectives sur données, des études faisant appel à des questionnaires dans la mesure où ces études ne modifient pas la prise en charge du sujet….

Pour les recherches de catégorie 2 et 3, les 2 arrêtés publiés au JO du 18 avril 2018 définissent les conditions permettant de classer la recherche dans l’une ou l’autre catégorie.

Pour ces recherches le promoteur est tenu d’envoyer un résumé de la recherche et l’avis favorable du CPP à l’ANSM

Toute recherche doit avoir un promoteur qui sera l’interlocuteur du comité.

Quant au contenu du dossier à envoyer au CPP, il est défini par arrêté pour chaque type de recherche.

Concernant la protection des données, la loi a confié aux CPP la responsabilité de se prononcer sur cet aspect du dossier pour les recherches non interventionnelles en lieu et place du CCTIRS qui a été dissous. A noter qu’en plus de la méthodologie de référence MR001, qui s’applique aux recherches interventionnelles, la CNIL a publié une méthodologie MR003 qui concerne les recherches de catégorie 3.

 

A qui adresser son dossier ?

Les conditions du choix du CPP ont aussi été modifiées. Les dossiers sont désormais répartis entre tous les CPP par un tirage au sort réalisé au niveau de la DGS. Très prochainement, le dépôt et le traitement des dossiers seront entièrement dématérialisés grâce à un site internet dédié. En attendant l’ouverture de ce site, les demandes d’avis pour tout dossier se font sur le site VRB de la DGS après obtention d’un numéro d’enregistrement auprès de l’ANSM. Le tirage au sort est immédiat et le CPP informé du dossier qui lui a été attribué. Le promoteur dispose de 48h pour transmettre son dossier au CPP, en 4 exemplaires, version électronique ou version papier. L’examen du dossier commencera après confirmation au promoteur par le CPP que son dossier est recevable c’est-à-dire que tous les documents nécessaires à l’analyse du dossier sont présents.

Le CPP dispose de 10 jours pour confirmer la recevabilité de son dossier au promoteur et lui indiquer la date d’examen de son dossier.

Le délai d’un premier avis par le CPP est de 45 jours à partir de la date de recevabilité. Comme précédemment, en cas de questions posées par le CPP, le promoteur n’est pas contraint par un délai de réponse mais l’horloge s’arrête et ne reprend que lorsque le CPP a reçu les réponses. Le délai pour l’avis final ne peut excéder 60 jours.

La validité de l’avis favorable a été augmentée à 2 ans et le délai de dépôt d’un recours en cas d’avis défavorable porté à 1 mois vs 15 jours antérieurement

En cas d’amendement substantiel, c’est le comité qui a donné l’avis initial qui est saisi pour donner un avis sur l’amendement.

 

Des nouveautés dans l’information et le consentement

Quel que soit le type de dossier, l’information des sujets inclus dans la recherche est obligatoire sauf dérogation accordée par le CPP. Cette demande de dérogation doit faire l’objet d’un courrier spécifique à destination du CPP.

Les exceptions à l’obligation d’information sont, entre autre, les études épidémiologiques où le CPP peut accepter que l’information soit collective.

Le consentement est obligatoire pour les recherches interventionnelles, signé pour les recherches de type 1, oral pour les recherches de type 2 mais il faudra s’assurer de la traçabilité de ce consentement.

Deux points importants : en cas de retrait du consentement, il est possible de conserver pour l’analyse les données déjà acquises sauf opposition du sujet et le promoteur peut demander au participant l’autorisation d’utiliser les données acquises dans le cadre du protocole soumis pour des études scientifiques ultérieures

Concernant les mineurs, une dérogation à l’obligation de recueil du consentement des 2 titulaires de l’autorité parentale est possible sous réserve que les risques et contraintes soient minimes et qu’il ne s’agisse pas d’une étude sur volontaire sain

Le mineur devenu majeur doit être informé du protocole dans lequel il a été inclus et confirmer son accord pour poursuivre sa participation

Il est ajouté un cas particulier, la situation d’urgence vitale, où le sujet peut être inclus sans consentement si le CPP est d’accord. Il faudra alors dans un deuxième temps, informer la famille et obtenir son consentement.

Dans toutes les situations où ce n’est pas le sujet lui-même qui a consenti, il faudra, dès que possible, l’informer et lui faire confirmer son consentement.

Pour les recherches non interventionnelles, une non opposition suffit mais ce ne peut être une non opposition « générale » et rappelons que, sauf cas particulier, il faut informer individuellement chaque sujet concerné par le protocole de recherche.

La couverture sociale reste obligatoire pour les recherches interventionnelles sauf dérogation accordée par le CPP.

L’assurance est obligatoire pour toutes les recherches interventionnelles.

La constitution d’une collection d’échantillons biologiques reste soumise à l’avis du CPP mais l’autorisation de conservation est donnée par le ministère de la recherche.

 

Qui peut être investigateur ?

Pour les recherches de catégorie 1, l’investigateur est obligatoirement médecin sauf pour la maieutique où ce peut être une sage femme et pour l’ondotologie.

Pour les recherches de catégorie 2 et 3, la recherche peut être dirigée par une personne qualifiée, le CPP étant juge de la qualification des investigateurs.

Enfin, si précédemment, le promoteur pouvait demander au comité d’être reçu pour présenter son dossier, désormais c’est au président du comité, si cela lui semble nécessaire, de proposer au promoteur d’être reçu par le CPP.

Sur les procédures d’analyse des dossiers par les comités, il est créé une procédure dite allégée pour les dossiers de type 2 et 3 et les amendements substantiels qui autorise l’examen de ces dossiers par un comité restreint.

 

Une nouvelle structure : la commission nationale pour les recherches impliquant la personne humaine

La loi Jardé a créé une commission nationale, la commission nationale pour les recherches impliquant la personne humaine (CNRIPH) qui a pour missions, entre autres, d’assurer la formation des membres des comités, de les réunir au moins une fois par an, d’homogénéiser leurs pratiques.

C’est le secrétariat de cette commission qui assure le tirage au sort des dossiers, reçoit les avis défavorables pour les transmettre aux CPP d’une part et en faire l’analyse d’autre part.

En conclusion, la loi Jardé, tout en maintenant un niveau de protection élevé pour la personne impliquée dans la recherche, a modifié l’organisation et le fonctionnement des CPP eux-mêmes, en particulier par l’instauration du tirage au sort pour l’attribution des dossiers mais aussi en confiant aux CPP la mission de donner un avis sur tous les protocoles de recherche qu’ils soient interventionnels ou non.

 

Références

Texte complet de la loi Jardé : LOI 2012-300 du 5  mars 2012 relatives aux recherches impliquant la personne humaine, disponible sur ce lien

Article rédigé par : E Frija-Orvoën, CPP Ile de France 1, CNRIPH

Mise en ligne le 24 mai 2018