Rythmes scolaires – Congrès du Sommeil®

Rythmes scolaires de 4 jours ou 4 jours et demi : le point de vue de deux  spécialistes des rythmes biologiques et psychologiques

Par le Pr François Testu

Chronopsychologue
Université de Tours
 

et le Dr Marie-Josèphe Challamel

Pédiatre,  spécialiste du sommeil de l’enfant
Hôpital Femme Mère Enfant et INSERM U1028, Université de Lyon
 

 

Aucun aménagement du temps scolaire n’est  idéal, mais si l’on veut proposer des emplois du temps adaptés aux écoliers, trois principaux rythmes doivent être respectés : le sommeil,  les variations journalières  et hebdomadaires de l’activité intellectuelle et de la vigilance, les fluctuations annuelles de la résistance à l’environnement.

3 rythmes à respecter en priorité. Une erreur à ne pas commettre

–          Le sommeil

Nous pouvons affirmer actuellement  que le manque de sommeil diminue les capacités d’apprentissage induit des troubles de l’attention,  des troubles du comportement et de l’humeur. Nous savons aussi que le besoin de sieste en maternelle doit être respecté puisqu’elle joue un rôle sur les processus de mémorisation à long terme  et sur  la régulation des émotions chez le jeune enfant. C’est donc de la durée du sommeil nocturne et diurne, de sa qualité que dépend l’adaptation des comportements à la situation scolaire et, par voie de conséquence, le niveau de vigilance et des performances intellectuelles. La durée  et la qualité du sommeil dépendent  de l’heure du coucher qui ne doit pas être trop tardive,  et aussi de la régularité des horaires de coucher et surtout de lever.

–          Les variations journalières de la vigilance et de l’activité intellectuelle

Les travaux de chronopsychologie menés en milieu scolaire démontrent que la vigilance et les performances intellectuelles fluctuent  au cours de la journée. Classiquement, lorsqu’il existe une  adéquation entre les emplois du temps scolaires journaliers et hebdomadaires et les rythmes de vie des enfants,  les performances scolaires progressent du début jusqu’à la fin de la matinée s’abaissent en début d’après-midi, puis progressent à nouveau au cours de l’après-midi à partir du CE2. Il existe donc deux moments reconnus comme « difficiles »: les débuts de matinée et d’après-midi. La priorité serait donc d’alléger la journée avec une entrée plus tardive le matin et  moins d’heures d’enseignement, d’adapter cet enseignement aux capacités attentionnelles et mnésiques  des enfants,  en particulier en maternelle.

–          Les périodes de faible résistance au cours de l’année

Nous sommes plus vulnérables en hiver qu’en été. Deux périodes sont difficiles à vivre celle de la fin février au début du mois de mars, celle de la toussaint est également à risque pour les enfants qui vont à l’école depuis le début du mois de septembre.

Par ailleurs, les évaluations comparatives des différents aménagements « expérimentaux » du  temps scolaire  français permettent de considérer que la semaine scolaire dite de 4 jours doit être évitée

–          La semaine de 4 jours doit être évitée

En effet, Il a été prouvé par les chronobiologistes et chronopsychologues  que la semaine de 4 jours « secs » sans politique d’accompagnement péri et extrascolaire, ne fait qu’accentuer et allonger les effets perturbateurs du week-end sur l’adaptation à la situation scolaire. Habituellement ressentis chez certains enfants le lundi, ils perdurent jusqu’au mardi midi.

De plus, la répartition de l’enseignement sur 4 jours engendre soit l’alourdissement de la journée scolaire, déjà beaucoup trop longue, notamment pour les tout petits,

Toujours à propos de la semaine de 4 jours, accorder une demi-journée supplémentaire de congé n’est pas profitable à tous les enfants. La libération du temps n’est pas forcément synonyme d’épanouissement, d’éveil et d’intégration. Au contraire ! Elle peut accentuer les différences. Certains profitent pleinement de la libération du temps parce que le milieu culturel environnant le permet. D’autres, faute d’encadrement familial, faute d’une politique socioculturelle accessible à tous, subissent le temps libéré.

Par ailleurs, il a été montré que l’application de la semaine de 4 jours « secs » non seulement génère une inversion de la rythmicité journalière classique, signe de désynchronisation  observé chez certains enfants le lundi, mais en plus elle est accompagnée d’une baisse du niveau de performance.

Enfin, la répartition de l’enseignement sur 4 jours engendre un alourdissement de la journée scolaire alors que la France se distingue  par le plus grand nombre d’heures de classe (864 heures) et l’année scolaire la plus courte des pays de l’OCDE (144 jours).

 

Alors comment réussir les nouveaux aménagements français ?

        

En évitant la semaine de 4 jours.

En respectant les rythmes journaliers de l’enfant. C’est principalement dans la journée qu’est mise en évidence la rythmicité.

 En proposant des petites vacances scolaires de deux semaines, notamment à la Toussaint. Il est urgent de proposer un calendrier annuel équilibré, où les périodes de classe de 7 à 8 semaines alterneraient avec deux semaines de vacances.

En respectant le sommeil de l’enfant. Il est primordial que les parents comme les enseignants, interviennent pour que les enfants dorment leur compte. De leur côté, les décideurs doivent proposer des heures matinales de rentrée en classe plus tardives afin d’éviter des réveils provoqués, source de perte de sommeil.

 En allégeant le temps scolaire journalier, notamment pour les plus jeunes… Il est aberrant que des enfants de 4-5 ans soient autant présents à l’école que des jeunes de 10-11 ans ! Des structures « sas » doivent pouvoir accueillir les élèves avant et après la classe, structures où les activités non scolaires seraient encadrées par des animateurs qui interviendraient également à la pause de midi. Quel que soit l’aménagement du temps scolaire choisi, celui-ci doit obligatoirement être accompagné d’activités péri et extrascolaires.

Des questions demeurent

Les comparaisons entre semaines de 4jours et 4 jours et demi ont porté  surtout sur la semaine  de 4 jours et demi avec le samedi matin travaillé, rythme  qui a la préférence des chronobiologistes. Les comparaisons avec le mercredi matin travaillé  sont encore rares.  Des questions se posent aussi  pour les enfants de maternelle : sur l’absence d’une véritable coupure le mercredi, sur la multiplication des activités,  mais accorder une demi-journée supplémentaire de congé n’est pas profitable à tous les enfants, elle peut chez certains, faute d’encadrement familial  faute d’une politique socioculturelle accessible, aggraver les phénomènes de désynchronisation des rythmes biologiques et psychologiques inhérent à la  semaine de 4 jours.

Dans une société où chacun a le sentiment que son destin se joue à l’école il est normal que les nouvelles règles scolaires soulèvent beaucoup d’interrogations, mais chacun doit comprendre que l’intérêt de l’enfant doit rester au centre de tous les débats.

– François Testu.  Rythme de vie et rythmes scolaires ; Aspects chronobiologiques et chronopsychologiques. Elsevier Masson 2008

– Marie-Josèphe Challamel, René Clarisse, Francis Lévi, Bernard Laumon, François Testu, Yvan Touitou ; Rythmes de l’enfant. De l’horloge biologique aux rythmes scolaires. Inserm 2001