Le Dr Iulia IOAN, Pédiatre au Service d’Explorations Fonctionnelles Pédiatriques du CHRU de Nancy, résume les actualités 2019 dans le domaine des troubles du sommeil pédiatriques, sélection présentée dans la session Actualités du Congrès du Sommeil® 2019.

 

Actualités dans les troubles du sommeil de l’enfant

 

Schroder CMMalow BAMaras A, Melmed RD, Findling RL, Breddy J, Nir T, Shahmoon S, Zisapel N, Gringras P. Pediatric Prolonged-Release Melatonin for Sleep in Children with Autism Spectrum Disorder: Impact on Child Behavior and Caregiver’s Quality of Life. J Autism Dev Disord. 2019 Aug;49(8):3218-3230. doi: 10.1007/s10803-019-04046-5.

L’insomnie est très fréquente chez l’enfant avec trouble de spectre autistique (TSA) ou neurodéveloppemental (TN) (Smith-Magenis, Angelman, Rett, Bourneville, Williams), surtout par difficultés d’endormissement (~ 40%) et de maintien du sommeil (~ 35%) (Taira et al. 1998; Krakowiak et al. 2008). L’insomnie persiste de l’enfance à l’adolescence (Humphreys et al. 2014) etpeut précéder parfois le diagnostic de TSA (Nguyen et al. 2018). De plus, les enfants TSA avec mauvaise qualité de sommeil présentent des troubles du comportement, tels que l’irritabilité, hyperactivité, agression (« comportement externalisé »), retrait social, anxiété, dépression (« comportement internalisé ») (Goldman et al. 2011; Henderson et al. 2011; Johnson et al. 2018).

Une étude multicentrique incluant 14 centres aux Etats-Unis et 10 centres en France, randomisée, en double aveugle, placebo versus contrôle, avec des groupes parallèles, a été menée afin de déterminer les effets bénéfiques de la Mélatonine à libération prolongée d’usage pédiatrique (PedPRM) (Slenyto®, Neurim Pharmaceuticals), mini-tablette de 3 mm, à 2 et 5 mg, pour le traitement de l’insomnie chez enfants TSA et TN. Un premier article publié en 2017 a rapporté l’efficacité de PedPRM sur les paramètres du sommeil des enfants TSA ou TN avec amélioration de temps total de sommeil (TTS), de la latence d’endormissement (LE), de la durée continue de sommeil (le plus long épisode de sommeil) et sans réveil précoce matinal (Gringras 2017). Le pourcentage des sujets avec des réponses cliniquement significative en terme de TTS et de latence d’endormissement a été plus élevé dans le groupe PedPRM que dans le groupe placebo (Gringras et al. 2017).L’objectif de cette partie de l’étude a été de déterminer l’impact de PedPRM sur le comportement de l’enfant par le questionnaire SDQ (« Points forts – points faibles ») qui explore 5 dimensions : l’hyperactivité, le comportement, le relationnel, l’émotionnel, le comportement social) (Goodman 1999) et le bien-être et la qualité de vie des parents (évalués par le score WHO-5 de l’OMS sur le bien-être, l’index de qualité du sommeil de Puttsburg (PSQI) et l’échelle de somnolence d’Epworth).

125 sujets ont été randomisés pour l’essai en double aveugle et 119 ont été traités (97% TSA et 3% Smith-Magenis). 51 sujets dans le groupe PedPRM et 44 dans le groupe placebo ont finalisé l’essai de 13 semaines en double aveugle. Le « comportement externalisé » de l’enfant s’est significativement amélioré pour le groupe PedPRM vs placebo avec une tendance d’amélioration de score SDQ total, sans différence pour le « comportement internalisé » (trouble émotionnel et relationnel) entre les 2 groupes. Les scores de « comportement externalisé » ont diminué, donc se sont améliorés, dans le groupe PedPRM et ont augmenté dans le groupe placebo, 53,7% (29/54) vs 27,7% (13/47) ont amélioré leur score d’une unité (OR=3, p<0.005), un critère de réponse clinique positive de traitement. Les scores d’hyperactivité se sont améliorés dans le groupe PedPRM et se sont aggravés dans le groupe placebo. Dans les sub-populations avec des scores pathologiques à l’état de base, PedPRM a amélioré significativement le « comportement externalisé », le score de comportement, le score total et le « comportement internalisé ». L’amélioration de score SDQ total s’est corrélé significativement avec l’augmentation de TTS par augmentation de la période de sommeil non-interrompu et pas de LE. PedPRM a significativement amélioré les scores Who-5 et PSQI des parents avec une amélioration de l’Epworth. Ces scores ne se sont pas améliorés dans le groupe placebo. Une corrélation significative a été retrouvé entre Who-5 et l’amélioration de score SDQ total, mais pas avec TTS ou LE. Les auteurs concluent que PedPRM a un effet positif sur le « comportement externalisé » due à l’insomnie chez les enfants TSA ou TN avec ou sans déficit de l’attention / hyperactivité et améliore la qualité de vie des parents.

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Vandi S, Rodolfi S, Pizza F, Moresco M, Antelmi E, Ferri R, Mignot E, Plazzi G, Silvani A. Cardiovascular autonomic dysfunction, altered sleep architecture, and muscle overactivity during nocturnal sleep in pediatric patients with narcolepsy type 1. Sleep. 2019 Jul 29. pii: zsz169. doi: 10.1093/sleep/zsz169.

Pendant le sommeil, la pression sanguine artérielle diminue physiologiquement mais ce phénomène est altéré / émoussé chez les souris et les patients adultes avec narcolepsie de type 1 (NT1). Pour étudier le contrôle de la tension artérielle (TA), le temps de transit de pouls (TTP) pourrait être utile. TTP s’allonge si les vaisseaux deviennent moins rigides due à la diminution de la TA. Le but de cette étude a été de tester si TTP montre un allongement réduit pendant le sommeil nocturne par rapport à l’éveil chez les enfants NT1 et si ces anomalies autonomiques cardio-vasculaires dépendantes de sommeil pourraient être liées à la concentration de l’hypocrètine-1 (HT-1) dans le liquide céphalo-rachidien, aux altérations de l’architecture du sommeil et/ou à l’activité musculaire liée au sommeil.

27 enfants et adolescents avec NT1 sans traitement (âgés de 5,8 à 19 ans) et 19 contrôles sains ont été inclus et ont réalisé une polysomnographie sur 48 heures avec enregistrement de l’EMG mentonnier, tibial antérieur et extenseurs de doigts et des tests itératifs de latence à l’endormissement. TTP et HP (la période cardiaque, l’inverse de la fréquence cardiaque qui est linéairement lié au tonus sympathique et parasympatique) ont été rapportés pendant le sommeil et veille ainsi que %TTP et %HP de la valeur correspondante pendant la veille intra-sommeil.

TTP et HP ont significativement augmenté pendant le sommeil par rapport à l’éveil dans les 2 groupes, NT1 et contrôles, sans différence entre les groupes. TTP, mais pas HP, a été significativement plus bas chez NT1 vs contrôles dans tous les stades de sommeil et dans la veille intra-sommeil. %TTP a augmenté dans tous les stades de sommeil dans les 2 groupes avec %TTP significativement plus bas chez NT1 vs contrôles (avec une différence du % TTP entre les patients et contrôles la plus robuste en sommeil paradoxal) ce qui suggère des moindre variations de la TA liée au sommeil, donc une diminution émoussée de l’activité cardiovasculaire sympatique dans le sommeil que la veille intra-sommeil. Cette altération a été associée avec les niveaux diminués de l’HT-1 dans le LCR (corrélation positive entre les taux d’HT-1 et %TTP dans le sommeil nocturne et paradoxal) et est influencée par l’obésité et pas par l’altération de l’architecture du sommeil et l’hyperactivité musculaire pendant le sommeil. Finalement, les différences de TTP entre le sommeil nocturne et la veille diurne ont été conservées chez les enfants NT-1 pendant qu’un pattern non-dipping de la TA a été montré chez des adultes NT1, les auteurs concluant que les altérations autonomiques cardiovasculaires chez les enfants NT1 sont légères et qu’il reste à déterminer si cette dysfonction aurait des conséquences plus tard, à l’âge adulte.

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Tabone L, Khirani S, Olmo Arroyo J, Amaddeo A, Sabil A, Fauroux B. Cerebral Oxygenation During Respiratory Events in Children with Sleep-Disordered Breathing and Associated Disorders. J Pediatr. 2019 Nov;214:134-140.e7. doi: 10.1016/j.jpeds.2019.07.040. Epub 2019 Sep 17.

Les troubles respiratoires du sommeil (TRS) de l’enfant ont des conséquences délétères sur le développement neurocognitif et le comportement de l’enfant. Chez l’adulte, les évènements obstructifs a été montrés d’avoir un impact immédiat sur l’oxygénation cérébrale qui peut être déterminé par la spectroscopie proche infrarouge (NIRS, near-infrared spectroscopy). Par cette technique, l’index d’oxygénation tissulaire (TOI) qui correspond au ratio d’oxyhémoglobine tissulaire (HbO2) sur l’hémoglobine totale et l’index d’hémoglobine (HbH) peuvent être obtenus. Le but de l’étude a été d’évaluer l’oxygénation cérébrale pendant les différents évènements respiratoires dans un groupe d’enfants avec TRS et l’impact du type d’évènement, de la sévérité de TRS et de l’âge.

65 patients (30 garçons) âgés entre 1,5 et 18,6 ans ont été étudiés et ont réalisé une polygraphie avec mesure de la pression transcutanée de CO2 et NIRS. Il y avait 540 apnées obstructives et mixtes, 172 apnées centrales et 393 hypopnées obstructives analysé. La diminution moyenne de SpO2 et de TOI étaient de 4,1±3,1% et respectivement 3,4±2,8%. La diminution moyenne de TOI était significativement plus basse pour les hypopnées obstructives que pour les apnées. La diminution de la TOI a été significativement moindre chez les enfants avec TRS légère par rapport à TRS modérée à sévère et chez les enfants âgés de >7 ans vs <7 ans. L’analyse multivariée a montré que les facteurs prédictifs pour diminution de TOI étaient le type d’évènement respiratoire, la diminution de la SPO2, l’index d’apnée-hypopnée et l’âge. Les auteurs ont conclu que les diminutions moyennes de la SPO2 et TOI étaient similaires pour les différents évènements respiratoires et qu’il serait intéressant d’étudier la relation entre la diminution de TOI et les fonctions neurocognitives et le comportement des enfants avec TRS.

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Coutier LGuyon AReix PFranco P. Impact of prone positioning in infants with Pierre Robin sequence: a polysomnography study. Sleep Med. 2019 Feb;54:257-261. doi: 10.1016/j.sleep.2018.10.037. Epub 2018 Nov 24.

Le syndrome de Pierre-Robin (PRS) est associé à des anomalies faciales prédisposant au  syndrome d’apnées obstructives du sommeil (SAOS). Le décubitus ventral (PP, prone positioning) est couramment recommandé chez ces nourrissons mais cette position n’a jamais été étudiée par polysomnographie (PSG). Cette étude rétrospective a visé à évaluer l’impact du PP sur les résultats du sommeil et de la respiration mesurés par la PSG. La PSG a été réalisée en PP et en décubitus dorsal (SP, supine position) et les paramètres comparés entre les 2 positions.

Parmi les 18 SRP (âgés 44 ± 26 jours à l’évaluation), 11 avaient des manifestations cliniques de SAOS. Tous avaient un SAOS grave diagnostiqué à la PSG. Les enfants avaient une efficacité du sommeil significativement supérieure en PP qu’en SP et une tendance vers un OAHI inférieur pendant le sommeil paradoxal en PP vs SP. Pour 13 (72%), le PP était une meilleure position de et pour 4 (22%) la SP (p<0,01). Dans 3 enfants, PP seule a diminué l’index d’apnée-hypopnée du sommeil à <10 événements / heure. En conséquence, PP a entraîné une amélioration de la qualité du sommeil et une correction incomplète du SAOS chez la grande majorité des enfants PRS. Ces enfants doivent systématiquement bénéficier d’un enregistrement nocturne du sommeil précoce afin de choisir la meilleure option thérapeutique pour le SAOS.

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